Julia Christ, Dominique Linhardt, Cédric Moreau de Bellaing
4e mardi du mois à partir du mardi 22 octobre 2024, 10h30-13h30, campus Jourdan, salle R3-46, bâtiment Oïkos.
Inscription par mail (cedric.moreau.de.bellaing@ens.psl.eu)
Alors que les sciences sociales ont connu un essor remarquable à partir de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, dont les « années 1968 » sont souvent considérées à juste titre comme le point culminant, la période qui s’ouvre avec les années 1980 a vu se multiplier les signaux d’alerte. À partir de cette date, les sciences sociales sont de plus en plus exposées à la concurrence directe d’approches et de paradigmes remettant en cause leurs ambitions. Les injonctions à l’interdisciplinarité se renforcent et sont reçues dans les sciences sociales comme un moyen de les inféoder à des logiques hétéronomes, incompatibles avec leurs intérêts de connaissance. À cela s’ajoute un questionnement équivoque grandissant, depuis l’intérieur de l’espace des sciences sociales, quant à la nature de la fonction sociale et politique qu’elles doivent occuper au sein des sociétés démocratiques.
En outre, cette évolution se double de la perception, en partie objectivable, d’un affaiblissement du soutien institutionnel aux sciences sociales, se traduisant par une diminution des ressources allouées à la recherche et à l’enseignement dans ces disciplines (allant dans certains cas jusqu’à la fermeture de départements universitaires entiers). Associée aux dénonciations dont elles font l’objet par un nombre grandissant d’acteurs politiques et sociaux – les accusant notamment de contribuer à installer une « culture de l’excuse » –, cette situation génère le sentiment d’un procès en illégitimité des sciences sociales, risquant d’entraver durablement la recherche sociohistorique et sa transmission aux nouvelles générations.
L’objectif de ce séminaire est d’affiner le diagnostic sur l’état actuel des sciences sociales à une échelle globale. Pour ce faire, il compte recourir aux outils propres à ces disciplines, en s’appuyant spécifiquement sur trois principes méthodologiques. Premièrement, le comparatisme : on s’attachera à observer et à contraster la crise des sciences sociales dans différentes aires culturelles afin d’en dégager des catégories d’analyse générales. Deuxièmement, l’approche historique : il s’agira de replacer la situation des sciences sociales contemporaines dans l’histoire longue de ces disciplines, dans ce qu’elle a de spécifique à chacune des aires culturelles examinées. Troisièmement, le refus d’une séparation rigide entre le développement interne des sciences sociales et les facteurs considérés comme leur étant extérieurs : en évitant d’isoler ces disciplines de leur environnement social et en les mettant en relation avec les changements généraux qui affectent les sociétés dont elles émanent, le but est de décrire et d’expliquer dans les mêmes termes à la fois l’intérêt et la confiance dont elles ont bénéficié et bénéficient encore, et le scepticisme et les critiques qu’elles suscitent de plus en plus souvent aujourd’hui.
Organisé par Julia Christ, Dominique Linhardt et Cédric Moreau de Bellaing, ce séminaire profitera des contributions de spécialistes renommés de l’histoire et de l’état actuel des sciences sociales dans des régions telles que l’Amérique du Nord et l’Amérique latine, l’Europe centrale et orientale, le Japon, les mondes indien et moyen-oriental, et le continent africain. Dans une démarche de décentrement, l’Europe occidentale est intentionnellement exclue du champ d’intérêt de ce séminaire. Ce « retour sur soi » sera l’objet d’un autre séminaire programmé pour l’année suivante.